La première boulangerie de Saint-Sauveur

Au 254, rue Aristide-Briand, pendant plus d’un siècle, les Saint-Salvatoriens achetaient leur pain. Les fonds d’archives, les travaux d’historiens, les précieux souvenirs d’habitants de Saint-Sauveur, ont permis de retracer l’histoire de ce lieu et de ses boulangers successifs. Suivez le guide : nous allons remonter le temps !

1843 : les boulangeries sont bien implantées en ville, en revanche, à la campagne, le pain est pétri et cuit au logis s’il s’y trouve un four. À Saint-Sauveur, 781 habitants en 1841, aucun boulanger n’est recensé avant 1846.

Frédéric Mélin ouvre la première boulangerie de Saint-Sauveur, Grande-Rue, aujourd’hui 254, rue Aristide-Briand. Il y officiera jusqu’à sa mort en 1884. D’abord secondé par sa femme, Mélin s’adjoint bientôt un garçon boulanger, Alexandre Parmentier. Son commerce est aussi florissant que diversifié : épicier et marchand de bois, limonadier et aubergiste, patron d’une fabrique d’allumettes, Mélin est rentier à sa mort.

Vers 1860 s’ouvre Grande-Rue une seconde boulangerie. C’est l’époque à laquelle ces commerces prospèrent en France en raison de la liberté de création de boulangerie nouvellement accordée par le Gouvernement. Le fondateur de cette boutique concurrente est… Alexandre Parmentier !

Dès 1861 coexistent ainsi deux boulangeries jusqu’aux années 1950. À l’actuel 254, rue Aristide-Briand règnent, après Mélin, six familles de boulangers : les Buttin, les Bontemps, les Haas, détenteurs d’une voiture à deux roues, d’un cheval, et d’un « chien de troisième catégorie imposé à la taxe simple » !

En 1908, l’acte de vente de la boulangerie nous en offre une description : « Boutique avec devanture et portes vitrées, escalier tournant […] Fournil, écurie, remise […] » Fournil et écurie ont disparu. Mais l’escalier tournant demeure, et l’on peut encore, au rez-de-chaussée – maison des boulangers communiquant avec la boutique –, voir les carreaux de cuisine d’époque et deviner l’emplacement de la devanture, murée depuis lors.

Et parfois… on croit sentir, surgissant des entrailles de la vieille boulangerie, l’odeur tiède et douce du lourd pain d’autrefois.

Agnès Tytgat-Uzureau

Merci à Daniel Carbonnier, Lucien Danne, Robert Dhoury, Irène Devaux-Marquoin et Thierry Marquoin, Alain Leguay, Claude Pot, Bernard Poulet.